L'homme libre

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« Je suis à ma huitième année en prison toujours en attente de mon procès », M.K

 

 

 

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A la veille de la fête des femmes, nous pensons qu’il faut rendre hommage à toutes les mamans du monde. Une leçon que j’ai retenue de cette histoire : « Les vraies mamans n’abandonnent jamais leurs enfants quelque soit ce qu’ils ont fait ». Nous avons jugé nécessaire de vous raconter cette histoire d’un prisonnier à l’occasion d’une visite du ministre de la Justice dans une prison du pays il y a quelques mois. L’histoire a été racontée en langue nationale. La traduction  de « Sans Façon » obéit au style de la rubrique.   

 

Il y a de cela huit ans, je dis bien 8 ans, quand j’avais la tête dans les nuages, j’étais un coupeur de route. Un soir, après avoir pris quelques bâtons de drogues, je suis parti au boulot. Nous sommes contrairement aux autres, deux à exercer ce métier au moment où mes camarades étaient sous les lampadaires en train de bosser pour les devoirs et les examens.  Ce jour là, tout a basculé ! Nous avons été arrêtés par la gendarmerie. Très vite, je me conjuguais au passé. Mais les larmes et les prières de ma maman, la seule qui me reste sur terre m’ont conduit en prison au lieu de la tombe comme il est de coutume dans mon ex et regrettable métier.

 

 Ma différence et peut être ma chance avec les autres, c’est que nous n’avons jamais tué quelqu’un durant les deux ans, six mois et trois jours que nous avons passés à faire ce travail. Je tiens à préciser que nous étions certains qu’un jour ou l’autre nous serions obligés d’appuyer sur la gâchette puisse que nous avions des pistolets. Nous discutions souvent de cette éventualité et de la manière dont nous allions gérer si jamais ça arrivait. Dieu merci nous ne sommes pas arrivés à là. Je puis tout de même vous assurez que durant mon séjour en prison j’ai très souvent pensé au suicide. Mais chaque fois au moment où je m’apprêtais à passer à l’acte je recevais la visite de ma maman toujours en larmes. Elle me rappelait toujours les promesses que je lui avais faites. Elle me disait qu’elle allait rester en vie jusqu’à ce que je sorte de la prison et que je tienne mes promesses. Elle ne parlait jamais de ce que j’ai fait. Elle parle toujours de ce que je vais faire.

 

Mais le jour où on m’a annoncé qu’on allait me transférer dans une autre prison, à environ 45 km de la capitale, je m’étais dis que c’était pour m’exécuter. Mais hélas, c’était un vrai transfèrement parce qu’il n’y avait plus de place dans la capitale. L’instinct de suicide m’a encore envahi. Parce que ma maman ne serait pas là régulièrement comme avant au regard de la distance. Heureusement, les gardes qui étaient avec nous dans mon nouveau local étaient très humains. Ils m’ont arraché d’une manière ou d’une autre l’envi de mourir. Alors je me suis fait l’idée de vivre et d’accomplir les promesses que j’ai faites à ma maman.

 

Je vous le dis, depuis ces huit ans en prison je n’ai jamais failli à aucune règle. Je vis paisiblement avec les gardes. Des dizaines et des dizaines m’ont trouvé à la prison et sont partis me laisser làba. Le départ de certains était douloureux pour moi car c’était d’office, le départ d’un ami. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient. Mais, même un jour, je n’ai été présenté à un juge. Je suis là. Sans espoir d’être jugé à plus forte raison d’être libéré. Je me suis dis qu’on m’a condamné à mort.

 

J’attendais au moins qu’on me le dise devant ma mère pour qu’elle comprenne que je ne serai pas à mesure de tenir mes promesses. Je lui demanderai pardon pour ça ! Aujourd’hui j’ai 34 ans. J’ai appris beaucoup de petits métiers en prison. J’ai surtout appris à vivre. J’ai appris à être solidaire, à avoir pitié, à avoir des remords  et surtout à connaitre Dieu.

 

Jusqu’à quand on va toujours me garder en prison ? J’ai été suffisamment corrigé je pense. Même si je ne serai pas libéré, je souhaite repartir dans la capitale pour réduire les distances à parcourir de ma maman. Je précise que les gardes m’ont expliqué que je ne devais même pas être ici parce que mon forfait a été commis dans le ressort territorial du TGI de la capitale.

 

Ce matin, j’ai un ouf de soulagement que je dois d’ailleurs au patron de la prison qui m’a permis de témoigner à madame la ministre, ce que je vis. Elle a demandé au procureur séance tenante de diligenter mon dossier pour me juger. Je pourrai dormir tranquillement cette nuit. Cette nuit là, j’espère que je pourrai commencer mon compte à rebours….

 

 

Extrait d’un témoignage d’un prisonnier qui a fait huit ans en prison sans jugement



07/03/2016
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